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UNE EXPERIENCE PAS COMME LES AUTRES

Le fondateur et le coordonateur de Projet 2000 International sont revenus sains et sauf après un tour de quatre jours à Port au Prince. Ils ont pu se rendre sans complication en Haïti grâce à l’aide généreuse de Missionary Flights International. Le premier a perdu sa sœur et deux de ses neveux qu’il n’a jamais eu la chance de rencontrer, l’autre sa fille unique et deux de ses petits enfants. Tous les deux vidés par une tristesse et une douleur inconsolable, se sont jetés sur cette occasion privilégiée pour se rendre à Port-au-Prince à bord de l’avion privée de l’équipe NASCAR avec pour tout bagage une foi inébranlable et une détermination sans bornes.

Ce qu’ils ont vu en survolant Haïti est inimaginable : des foules, des milliers de personnes errant dans les rues  avec un petit baluchon. Le spectacle que leur offre Port au Prince est inhumain : partout des cadavres en décomposition, isolés ou en tas. Ils sont pour la plupart recouverts mais on en voit encore à travers les décombres au bord des routes. L'odeur des cadavres en putréfaction est presqu'insupportable. La désolation, le malheur, la détresse ont élu domicile à Port au Prince. Une atmosphère lugubre règne sur la ville.

Les places publiques, la place du palais national, de la télévision nationale sont toutes transformées en terrain de camping. Certains ont une petite toile en guise de tente pour les abriter, d'autres n'ont rien. Ils s’attellent même au courant de la journée en pleine rue, certains vacant à leur occupation quotidienne, d’autres jouent aux cartes. Ils essayent d’occuper leur esprit pour ne pas penser à leur sort, leur souffrance, la soif, la faim…
L’aide pourtant arrive en masse à l’aéroport de Port au Prince mais la distribution est à peine visible. L'État de son coté a totalement disparu qu'il s'agisse du ramassage des cadavres ou pour donner à manger à ces gens qui ont tout perdu. Les citoyens, habitués à un certain laisser-aller de leurs dirigeants dans leurs interventions au quotidien font preuve d’une résignation qui fait pitié. L'ONU n'est pas plus présente que les autres ONG qui pullulent dans le pays.

Tous les symboles de l'État et de l'Église sont tombés : Le Palais national, la DGI, le Palais de Justice, le Ministère de l'Intérieur, le Ministère de l'Éducation nationale, des affaires étrangères, de la Condition féminine, de l'environnement, la Mairie de Port au Prince, le Palais législatif se sont tous affaissés ou ressemblent à des amas de gravas. La cathédrale, l'église du Sacré-Cœur, St Louis roi de France, la Villa Manrèse, le collège Canado-Haïtien, St Jean l'Évangéliste, St Louis de Gonzague, les Filles de la Sagesse…, sont tous en ruines. Avec toutes ces écoles et universités effondrées on peut imaginer les centaines d'écoliers et d’étudiants ensevelis sous les décombres. Partout c’est la désolation.

Port au Prince est devenu un spectacle hallucinant à vous tarauder les tripes. Même ceux qui connaissent bien la ville s'y retrouvent à peine. Les gens ont l’air désarmés, hagards et perdus. Le pire est que la terre par intermittences continue à trembler amplifiant et prolongeant le traumatisme de ces pauvres démunis. Aujourd’hui ils affrontent cet enfer avec un semblant de passivité mais le jour où leur colère grondera, la terre tremblera.

Jacob a retrouvé ses 3 frères, son beau-frère, son neveu et sa nièce. Ils ont tous l’air hantés, affligés et traumatisés par cette expérience terrifiante et surtout l’image effrayant de leurs chers disparus écrasés sous les éboulis de leur triplex. Leur église, leurs maisons, leur école, leur centre de santé, tout a disparu. Malgré tout ils se sentent comme des privilégiés. Des pertes et des dégâts considérables mais estimés comme mineurs par rapport à ceux d’autres compatriotes.

« Le travail est un antidote à l’anxiété, un onguent pour la douleur et une porte qui s’ouvre sur des possibilités ». Une formule pratique que notre petit groupe de secouristes ont vite fait d’appliquer. Ils savent qu’il y a beaucoup plus de chance pour que Dieu aide l’homme qui descend pour pousser le chariot qui s’embourbe, que celui qui se contente d’élever la voix en prière. N’ayant plus de larmes et le cœur saignant nos deux héros essayent tant bien que mal de s’habituer à l’horreur d’une réalité qui les dépasse. Il leur faut vite une stratégie, un plan, une solution. Ils se rendent dans quelques quartiers à la recherche des leaders du coin. Ces derniers avec aisance, ont pu rassembler leurs gens et les diriger paisiblement vers les tentes de secours érigées par Faton, Jacob, ses frères et son beau-frère. Une dizaine de médecins les attendent. Pendant 4 jours, ils ont pu soulager la souffrance de plus de 200 malheureux qui depuis plus de deux semaines attendaient l’aide qui ne les atteignait. Avec patience et persévérance, ils ont obtenu non sans peine, de l’eau, de la nourriture et des médicaments à distribuer aux rescapés de Nazon, de l’avenue Pouplars, de Martissant et de Carrefour. Les membres de l’Eglise de Dieu Soldat de Christ sont fiers de leur pasteur et leader Faton François, qui malgré la perte de sa fille unique, ses deux petits-fils et de tous ses biens a bravé l’impossible pour venir a leur secours. « Nos dirigeants nous ont abandonnés mais notre leader est venu de la Floride pour nous sauver » témoignent-ils les yeux remplis de larmes de reconnaissance. Psychologiquement, au milieu de ce désastre, se sentir valorisée par ces rescapés meurtris a permis à la famille François de retrouver un certain équilibre.

Les catastrophes d’antan comparées à celle du 12 janvier sont maintenant considérées comme de menus contretemps. Nous haïtiens au pays comme ailleurs n’arriverons plus à vivre comme avant. Nos esprits sont embrouillés tellement nous sommes retournés ; incapables de penser à autre chose qu'à ce cataclysme. Nous qui avant croyions être dépassés par les problèmes d’Haïti sommes aujourd’hui à la recherche d’un autre adjectif auquel l’Académie française n’y a pas encore pensé. Mais aujourd’hui il y a une chose que nous connaissons avec certitude : "c’est souvent dans l’adversité que nous apprenons les leçons les plus essentielles qui forment notre personnalité et façonnent notre destin".


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